Gibraltar est un territoire britannique d'outre-mer qui ne fait ni partie de l'union douanière, ni du régime de TVA, ni de l'espace Schengen.
Le Royaume-Uni, et Gibraltar par extension, a rejoint l'Union européenne en 1973, et l'Espagne ensuite en 1986, date correspondant à la fin de la dictature franquiste. Dès lors l’Espagne a progressivement ouvert les portes de la frontière avec Gibraltar qui avaient été fermées par le général Franco en 1969 en moyen de pression de souveraineté espagnole sur Gibraltar. En 1985, l'Espagne a finalement complètement ouvert sa frontière, ravivant l'espoir que la question de la souveraineté soit complètement résolue.
Mais cette revendication à l’encontre de Gibraltar n’a jamais disparu.
Sur le Rocher, le refus de la souveraineté espagnole a été clairement exprimé lors d'un référendum en 2002, avec un taux de participation de 88 %, selon lequel près de 99 % des électeurs ont réaffirmé leur engagement envers la Couronne britannique en refusant une souveraineté partagée avec l'Espagne.
Le rôle de l’Espagne est néanmoins toujours perçu comme une menace très présente, et ceci de manière récurrente dans le cadre des négociations post-Brexit sur le statut de Gibraltar.
Historiquement, suite au referendum du Brexit en juin 2016, un projet prévoyant les lignes directrices d’encadrement des négociations du retrait fut publié par le Conseil européen le 29 avril 2017.
Il y était énoncé en son article 24 qu’après le départ du Royaume-Uni, aucun accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ne pourrait s'appliquer à Gibraltar sans un accord entre Espagne et le Royaume-Uni.
Deux autres documents ont ensuite émergé dans le cadre des négociations, à savoir un document-cadre approuvé au 31 décembre 2020, suivi d’un mandat de négociation de l'Union européenne en juillet 2021. A la lecture de ce mandat, le ministre britannique des affaires étrangères du Royaume-Uni, Dominic Raab, a déclaré que le projet de mandat était en conflit direct avec le contenu du document cadre et que le projet de mandat ne pouvait pas constituer une base pour les négociations car il cherchait à « saborder la souveraineté du Royaume-Uni sur Gibraltar".
Le gouvernement de Gibraltar a adopté cette position en publiant une déclaration soulignant le conflit entre les deux documents. Sa principale objection concernait la présence d'agents espagnols en charge de l'application du droit sur le territoire, le port ou l'aéroport de Gibraltar. Il était en effet prévu dans la troisième partie du mandat de négociation que l'Espagne appliquerait les règles de l'Union européenne pour assurer une protection totale de la frontière extérieure de l'espace Schengen.
L'annexe du mandat précise par ailleurs que l'accord devrait viser à supprimer toutes les barrières physiques actuelles entre Gibraltar et l'espace Schengen pour la circulation des personnes (article 15 de l'annexe), le contrôle des frontières étant assuré par l'Espagne conformément à l'acquis de Schengen (article 16 de l'annexe). En d'autres termes, Gibraltar ne participera pas à l'acquis de Schengen en tant que tel et ne le mettra pas en œuvre, mais seules certaines règles relatives à la circulation des personnes seront adoptées, et les autorités britanniques quant à elles n'auront pas accès à la base de données réservée aux États membres par le droit de l'Union. Les contrôles à l'entrée et à la sortie seront effectués par l'Espagne en tant qu'État membre avec des garanties spéciales pour les résidents de Gibraltar.
Bien que le mandat stipule que les négociations seront menées sans préjudice des questions de souveraineté et de juridiction (article 10 de l'annexe) et en tenantompte de la situation géographique de Gibraltar, de son statut en vertu du droit international et de ses relations avec l'Espagne (article 7 de l'annexe), il semble que l’implication de l'Espagne soit toujours perçue comme une menace.
En effet, aucun progrès concret n'a été réalisé depuis lors. Afin de protéger l'intégrité territoriale des États membres de l'Union européenne garantie par l'art. 4(2) du Traité sur l'Union européenne, tout accord séparé sur Gibraltar nécessitera l'accord préalable de l'Espagne (mandat partie III). Par conséquent, tout retard politique ne peut que rendre difficile l'avancement des négociations. Le contrôle de l'Espagne sur la frontière avec Gibraltar demeure une question ouverte, tant sur le plan politique que pratique.
La douzième réunion entre Gibraltar, le Royaume-Uni, l'Espagne et l'UE en janvier 2023, n’a pas donné lieu à des changements techniques substantiels. À l'heure actuelle, les questions frontalières n'ont pas encore été résolues et l'ancienne revendication espagnole pèse toujours sur les négociations.
En mars 2023, les négociations étaient toujours dans l'impasse, l'Espagne insistant pour que sa Policía Nacional contrôle l'entrée dans l'espace Schengen (comme c'est le cas pour tous les autres points d'entrée dans l'espace Schengen) et le Royaume- Uni exigeant que le travail soit effectué par les agents de Frontex (qui ailleurs ne complètent les autorités nationales que par exception).
Un accord final sur le traité de l'UE pour Gibraltar est cependant très peu probable avant les résultats des élections générales espagnoles du 23 juillet 2023.
En effet, le gouvernement espagnol ne peut pas approuver un traité maintenant que des élections y ont été déclenchées, de sorte que tout accord devra être approuvé par les gouvernements du Royaume-Uni et de Gibraltar avec le prochain gouvernement de Madrid (et le reste de l'UE).
Le Chief Minister de Gibraltar a souligné dans une allocution du 2 juin 2023 qu'il aurait accepté un traité s'il existait une option sûre pour Gibraltar, mais une telle offre n'a pas été faite à Gibraltar jusqu'à présent